Hero (2002), film de Zhang Yimou
L'être et le héros
Que les arts martiaux requièrent un contact entre certaines surfaces du corps ou encore un prolongement du geste par l'arme, le judo ou l'iaïdo n'en convoquent pas pour autant la violence.
Issus de la culture asiatique et en particulier de la philosophie zen et bouddhiste, ils fondent leurs préceptes plus sur un art de l'équilibre que sur le culte de la chute. Ici point de triomphe de la victoire ou de la défaite mais plutôt la recherche du geste le plus approprié et le plus précis possible et, avant tout, la quête permanente du respect, de soi (son corps et son esprit) et de l'autre (son adversaire).
Annihiler la forme même de la victoire comme une conquête écrasante de l'autre ou celle de la défaite comme une désillusion de sa propre personne revêt le combattant d'arts martiaux du même costume que le héros. Quel qu'en soit son destin, il s'affirme avant tout dans cette posture généreuse faite de valeurs, de courage, de force et de justice. En témoigne l'importance même du salut en début et fin de combat.
Le papier, le pinceau et le tatami
Si les arts martiaux naissent bien longtemps après l'écriture et la peinture calligraphique chinoises, la tentation de les rapprocher apparaît évidente. Qui sait si les uns n'ont pas découler des autres ? Toujours est-il que nous retrouvons sans aucun doute dans l'art de la calligraphie cette poursuite absolue de la voie de la sagesse sous des contours plus introspectifs, sans pour autant en négliger cette approche du geste parée d'harmonie.
C'est un peu comme si la souplesse et le souffle de l'écriture calligraphique habitaient le corps du combattant d'art martial avant de partir au duel. Un corps tout entier voué à une culture plus ancestrale. L'art martial devient ainsi l'amplitude projetée de l'art calligraphique sur la scène loyale de la lutte.
Le tatami reste comme la feuille quadrillée de l'écriture des signes calligraphiques sur laquelle les figures vont s'enchaîner dans une maîtrise du mouvement qui ne doit pas seulement à l'agilité mais aussi beaucoup à la force tranquille de l'esprit, la concentration. De cette nécessité intrinsèque à l'approche de la calligraphie se génère la confiance en soi chez le combattant d'art martial. Il en retourne par ailleurs l'utilisation de l'arme au même titre que celle du pinceau : un prolongement contrôlé de l'esprit par la justesse du geste, la dextérité des courbes dans l'espace.
Le miroir de soi
Quoi qu'il en soit, de l'un à l'autre, l'atteinte du point ultime d'équilibre trouve sa source dans ce moment de respiration où le corps et l'esprit se rejoignent sans s'affronter ni se défaire pour vivre le moment présent délesté de ses impuretés.
On aura bien compris que la pratique de ces deux arts est traversée par une révélation qu'aucun événement extérieur ne peut dénaturer tant elle tutoie la vérité de l'être au plus profond de soi. Les différents états que met en jeu l'art de la calligraphie ne sont que le reflet du monde intérieur qui nous anime.
En faisant abstraction des secousses qui brutalisent le quotidien, il rend au corps et à l'esprit les lettres de noblesse de sa beauté dans un univers où ne règnent plus que la douceur, la confiance en soi et le bonheur d'être simplement là au coeur de sa force créative.
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